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2008-2010: Une simple grave crise économique
mondiale ou un changement historique ?
La crise
économique mondiale actuelle était-elle prévisible?
Depuis
2005, plusieurs personnalités de la finance et de l’économie ont
prévenu des risques imminents d'une importante récession mondiale qui
ébranlerait la planète et dont l'épi centre serait les États-Unis. Ces
personnalités s'inquiétaient de l'ampleur et de la nature même de la
croissance de l'économie des États-Unis et de l'économie mondiale depuis 2001,
dont particulièrement Nouriel Roubini, Lyndon Larouche, Paul Dontigny Jr,
Loic Abadie et j’en passe. Plus tard, plusieurs autres éminents
personnages ont manifesté leurs inquiétudes face à l'état de l'économie
mondiale dont Paul Krugman, Joseph E. Stiligz, Robert
Shiller, Warren Buffet, Stephen
Jarilowsky, Georges Soros,
sans parler de
nombreux organismes crédibles qui ont aussi fait retentir la sonnette
d'alarme dans les derniers mois dont la Banque Mondiale,
l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) , le FMI
(Fond monétaire international) et la BCE (Banque centrale européenne). De
même, que dire ou penser du fait que d'anciens dirigeants de banques centrales
comme Alan Greenspan, président de la
Réserve Fédérale de 1987 à 2006, ou David Dodge, gouverneur de la Banque du
Canada de 2001 à 2008, aient dévoilés que, durant leur mandat, le risque d'une récession grave
était connu. De son coté, sur le terrain, l'OMS
(Organisation mondiale de la santé) a observé depuis quelques mois des
conséquences importantes de la crise mondiale sur la santé des populations des
pays les plus pauvres. Celles-ci ont été durement touchées par la
succession de bulles spéculatives au niveau alimentaire, énergétique et
des matières premières. Alors que les investisseurs affolés par la crise se sont
réfugiés dans les marchés des produits de base pour protéger la valeur de
leurs actifs, les populations les plus pauvres ont été directement
affligées et appauvries par la flambée des prix de ces même produits de
base. Ces dommages collatéraux de la crise soulèvent, pour aujourd'hui mais
aussi pour demain, des questionnements éthiques importants quant aux
responsabilités économiques et sociales des pays les plus riches envers les
pays les plus pauvres.
Comment expliquer la crise économique mondiale actuelle?
La crise économique actuelle pourrait essentiellement s'expliquer par une
économie surchauffée depuis trop longtemps par l'euphorie des dépenses des
consommateurs, la prolifération de trop nombreux
mécanismes financiers à risque comme les "hypothèques
subprimes", les PCAA (papiers commerciaux adossés à des actifs), le
"carry trade", l'utilisation à outrance de l'effet de levier dans les
pratiques d'investissement, le manque de
rigueur dans la gestion du risque, les évaluations laxistes des agences de
cotation, le prolongement dans le temps de la politique des taux
d'intérêt à rabais de la
Réserve Fédérale, le manque d'encadrement des fonds
spéculatifs (hedge funds), le mode de rémunération des dirigeants
d'entreprises, le sentiment d'invulnérabilité des investisseurs, la confiance
aveugle en la résilience de l'économie mondiale, la croissance mondiale
insoutenable des prix de l'immobilier, l'endettement
record des particuliers, des entreprises et des gouvernements, etc. Pour plusieurs, le point
de non retour de cette situation économique impensable, mais prévisible, se
situerait en 2001, après l'éclatement de la bulle des technos à la bourse
et des tragiques attentats du 11 septembre. En guise de réponse à
ces attentats terroristes, outre le déclenchement d'une lutte militaire
couteuse et acharnée contre l'Irak et les organisations terroristes, les
États-Unis ont tenu à démontrer la solidité et la supériorité de leur
économie en déployant tout les moyens possibles et inimaginables pour maintenir
et stimuler la croissance, dont une politique désastreuse de baisse
continue des taux d'intérêt, et par effet d'entraînement, une augmentation
substantielle de la masse monétaire.
À partir de ce moment, la croissance de
l'économie mondiale a été littéralement
propulsée et soutenue par
l'accroissement de l'endettement des particuliers, des entreprises et
des
gouvernements. Aux États-Unis, le niveau d'endettement des
particuliers, des entreprises et du gouvernement représenterait
un total de près de 60 000 milliards, soit presque 400% du PIB
des États-Unis. Cette fuite en avant, était d'autant plus
justifiée et
rationnelle que les États-Unis et l'ensemble de
l'économie mondiale
avaient démontrés, depuis plusieurs décennies, une
grande résilience aux
turbulences économiques en se relevant à chaque fois des
précédentes récessions
et bulles spéculatives. Malheureusement, en
devenant le principal
levier de la croissance mondiale, l'endettement est aussi
devenu le point
de rupture de l'essentiel équilibre qui doit exister
entre l'offre et
la demande. La demande a ainsi explosé alors que
l'offre a peiné
pour répondre à celle-ci. Ce
déséquilibre provoqué artificiellement
par la baisse des taux d'intérêt a eu un impact
particulièrement
déterminant sur l'augmentation rapide et important
des prix de
l'immobilier. Il a ainsi favorisé la création d'une des
bulles les plus
dommageables que peut connaître une économie, soit,
une bulle immobilière.
Ce type de bulle spéculative est destructrice parce que comme l'achat d'une propriété est la
dépense la plus
importante et la plus accomplissante de tout individu
normalement
constitué, elle se trouve à canaliser et à
détourner vers l'immobilier
la partie la plus importante des ressources financières de
la majorité de
la population. D'autre part, parce que cette
faramineuse convergence
de ressources financières dans ce seul secteur d'activité
dope trop rapidement
et énergiquement l'ensemble de l'économie réelle et, lorsque la bulle se
dégonfle, provoque un effet proportionnellement inverse et
dévastateur du
mouvement du balancier sur la totalité de l'économie
réelle, de l'immobilier en
passant par les matières premières, l'industrie
automobile, les biens de consommations
durables, les produits de consommation de masse, les services
financiers,
etc. Plus l'immobilier augmentait, plus les propriétaires se
sentaient riches
et pouvaient utiliser l'effet de levier de l'augmentation de la valeur
de leur
propriété pour augmenter leurs emprunts et consommer
encore plus. Ce
phénomène a été observé à
l'échelle de la planète, mais c'est aux États-Unis
qu'il a fait le plus de ravage, amplifié par la pratique des
"hypothèques
subprimes" qui permettaient ainsi subitement à la presque
totalité des américains qui pouvaient emprunter
d'entrer dans le marché de
l'immobilier. Par cette pratique, le bassin potentiel d'acheteurs a
été amené,
de manière accélérée et brutale,
pratiquement à son niveau maximum absolu. Pour
le futur, la seule possibilité restante de maintenir une telle
cadence de la
croissance du marché de l'immobilier serait finalement que les
gens se mettent
à acheter plus d'une maison. Cependant, qui peut
et a les
moyens d'acheter et d'entretenir plus d'une maison? Comment le
système
financier peut-il arriver en se reposant sur l'endettement
à créer
perpétuellement autant de richesse? Dans l'imaginaire collectif,
la recette
pour s'enrichir était tout simplement magique.
Il suffisait
d'emprunter de l'argent pour acheter une maison. Ensuite, il suffisait
de
laisser la maison prendre rapidement de la valeur, sans rien faire.
À ce stade,
nul besoin d'épargner, il n'y avait qu'à revendre sa
maison pour faire
immédiatement un substantiel profit ou augmenter au besoin
la valeur de
son hypothèque pour obtenir de l'argent frais et ainsi continuer
à dépenser
plus, tout en continuant à s'enrichir, bien sûr. Cette
recette était d'autant
plus appétissante qu'elle profitait à l'ensemble des
participants, dont
les propriétaires, les banques, le monde de la
finance,
les gouvernements, mais aussi les travailleurs au noir et
le crime
organisé. Plus tenace qu'un mythe, la maison est un
symbole de
réussite, de sécurité, d'indépendance, de
lieu d'attache et d'épanouissement
personnel et familial. Elle est aussi une forme d'épargne
forcée qui a le
double mérite d'être une valeur refuge idéale
parce que, contrairement à la
bourse, elle est tangible et elle ne devrait jamais
perdre de
valeur.
Que va-t-il advenir du
système économique actuel?
En fait, la vraie question
serait plutôt de savoir s'il est réellement souhaitable que le système
économique actuel soit maintenu à tout prix. Est-il justifiable d'endetter
massivement les gouvernements et les générations à venir pour renflouer
ceux qui ont été les artisans de la crise économique mondiale actuelle, et ce,
même au nom du terrible risque systémique d'éclatement du système.
Une chose est certaine, ce point soulève des passions et implique
nécessairement de savoir si les décisions qui sont prises aujourd'hui, par
les différents gouvernements, dont les nombreux plans de relance et
multiples tentatives de renflouement des banques et autres grandes entreprises
mal gérées, vont contribuer dans le futur à créer de la richesse ou au
contraire à répartir la pauvreté. Pour le moment, il semble que ces
décisions vont surtout créer de la pauvreté et répartir les pertes sur
l'ensemble de la population. Certains considèrent que c'est un
véritable vol contre l'humanité que de socialiser les pertes et de
privatiser les gains. Dans ce sens, le débat va bien au-delà du
resserrement de l'encadrement des systèmes financiers, la gestion du risque et
du mode de rémunérations des dirigeants d'entreprises. Ce sont les bases
entières du capitalisme qui sont ébranlées et remises en question, notamment,
quant au rôle des gouvernements d'assurer la justice, de punir les
responsables de la crise, d'empêcher dans le futur la spéculation sur les
besoins essentielles dont la nourriture, le logement, l'énergie et les matières
premières de base, mais aussi, de promouvoir le développement durable et
équitable de l'économie en fonction du respect de l'environnement et de
valeurs fondamentales comme le travail, la famille et de meilleures pratiques
de consommation et d'exploitation.
Sans aucun doute, le libre
marché soumis à la loi de l'offre et de la demande est en soi
une bonne chose, et certainement l'expression ultime de
la démocratie. Cependant, encore faut-il pouvoir avoir le libre choix
d'entrer ou de sortir d'un marché. Ce libre choix s'applique difficilement
lorsque l'on parle des besoins de base d'un individu ou d'une population, et
encore plus, lorsque ceux-ci vivent dans la pauvreté. De même, la loi de
l'offre et la demande repose sur le principe d'un juste équilibre selon
lequel seule l'offre qui s'adapte le mieux à la demande triomphera.
En théorie donc, la loi de l'offre et la demande est une sorte de
processus harmonieux qui favorise l'innovation, l'amélioration et
l'ajustement continu de l'offre la plus adéquate à la demande. Malheureusement,
le modèle actuel de consommation par l'endettement pousse davantage à
une surconsommation et à une évaluation distortionnée de ses propres
besoins. Difficile de dire combien de planète comme la Terre il faudrait pour
répondre à tout les besoins actuels de la population, toutefois, à partir du
moment où la réponse est supérieure à "1", il devient incontournable
de reconnaître que des ajustements et des changements importants sont
nécessaires à notre mode de surconsommation et au système économique qui
l'encourage.
Présentement, les
investisseurs, les décideurs et la population en générale doivent être
critiques face à l'évolution de la situation et aux solutions qui sont
imposées. D'un coté, les gens ne peuvent pas croire tout ce
qu'on leur raconte, et par ce fait même, ils peuvent difficilement se faire une
idée complète de la réalité et des enjeux qui entourent la
crise. De l'autre coté, les gouvernements ne peuvent pas dire toutes
la vérité pour ne pas empirer la situation. Du
moins, c'est ce qu'ils semblent
croire. À ce titre, il est inquiétant de constater que,
depuis quelques années,
et particulièrement depuis quelques mois, plusieurs statistiques
importantes
dans différents pays ont été modifiées afin
de refléter une réalité plus rassurante.
Par exemple, au niveau du calcul du PIB, dans certains cas, des
biens
produits mais non vendus ou même des projections de biens
à produire ont été
considérés afin de gonfler positivement ces chiffres.
Dernièrement, aux
États-Unis, le gouvernement a récemment supporté
la suspension du
"Mark-to-market accounting rules" dans les bilans financiers des
entreprises pour permettre à celles-ci d'embellir leur
situation
réelle. En France et au Canada, les statistiques sur le
chômage ont
intégré généreusement la notion de
travailleur autonome et ce, afin de
mieux représenter la nouvelle réalité du monde du
travail, mais, dans les faits,
cela a surtout permis d'améliorer avantageusement les
résultats du calcul
du taux de chômage. De même, le calcul du taux de
chômage dans plusieurs
pays a fait l'objet de certaines modifications au fils des
ans qui
visaient surtout à resserrer les critères et à
réduire la
période admissible. Les statistiques relatives au
calcul
de l'inflation ont elles aussi subi des modifications au cours
des
dernières années, notamment, afin de
minimiser l'impact de
l'indexation des régimes de retraites sur l'augmentation des
dépenses
des gouvernements et des entreprises. Aux États-Unis,
depuis 1987 le
calcul de certaines mesures relativement à la masse
monétaire a
été abandonné ou modifié, ce qui a
une influence importante sur la
variabilité de la qualité des orientations des politiques
monétaires qui sont
prises. Dans un contexte de crise économique grave, comme
maintenant, l'altération
de cette dernière mesure n'est pas à négliger.
D'autant plus qu'une partie des
solutions avancées jusqu'à maintenant reposent justement
sur un contrôle
judicieux et chirurgical de l'augmentation de la masse monétaire.
Quelles perspectives
envisager pour les marchés boursiers et l'économie réelle?
Les baisses importantes et
les nombreux rebonds techniques que connaissent l'ensemble des marchés
boursiers de la planète laissent perplexes plus d'un spécialiste parce
qu'ils semblent déconnectés de la réalité. Que dire de la grande volatilité des
différentes devises dans le monde qui étonne de jour en jour les cambistes
eux-mêmes? Certes, les bourses devancent toujours la reprise de l'économie
réelle, mais la rapidité des hausses et des baisses observées témoigne plus
d'une logique spéculative que d'une reprise de confiance justifiée envers
l'économie. D'autant que, vraisemblablement, pour les prochains mois, dans
l'ensemble des pays, le chômage devrait continuer sa hausse, le PIB devrait
encore baisser, et les entreprises devraient continuer d'annoncer
majoritairement des baisses de profits et des pertes. D'ailleurs, ces dernières
mesures sont continuellement revues à la baisse depuis plusieurs mois déjà.
Sans conteste, cette volatilité importante des derniers mois, dans les
principaux marchés du monde, inquiète plusieurs intervenants, dont le
FMI, la Banque mondiale, la
Réserve Fédérale,
l'OCDE, la BCE, plusieurs prix Nobel
d'économie, de même que le gouvernement des
États-Unis, de la
Chine, du Japon, de l'Allemagne, de l'Angleterre, de la
France, de
l'Italie, de l'Espagne, de la Russie, de l'Inde, du Brésil,
etc. La
plupart des intervenants, même les plus optimistes, reconnaissent
de plus en
plus qu'il ne s'agit pas d'un marcher baissier habituel dans le sens
qu'il
apparaît être davantage systémique que
cyclique. La situation est
carrément inédite. Premièrement, fait important,
il s'agit du premier marché
baissier qui s'étend à l'échelle mondiale et
qui touche l'ensemble des secteurs d'activités. Cela remet
directement en
question la théorie du découplage des économies,
dont est supposé favoriser la
mondialisation, et qui veut que lorsque le cycle économique de
certains pays ralentit, le cycle économique d'autres pays
s'accélère et se trouve à compenser le manque
à gagner. Dans les faits,
les relations commerciales internationales sont plutôt
tendancieuses du fait
qu'elles sont polarisées autours des pays riches
(États-Unis, Japon,
Allemagne, Angleterre, France, Italie et Canada) qui
représentent plus de 60%
de l'économie mondiale et qui achètent une grande
partie de ce que les pays
émergents (Chine, Russie, Inde, Brésil et
autres) produisent.
Présentement, les pays émergents ont un poids trop
marginal dans l'économie
mondial pour arriver à eux seuls à la relancer,
mais dans le futur,
la situation pourrait changer. Surtout dans un contexte ou les pays
riches
continuent de s'affaiblir davantage alors que les pays
émergents
poursuivent leur croissance. À ce moment, les pays riches
pourraient
certainement connaître une période de déflation
importante. Pire encore, s'il advenait
la création d'un panier de devises internationales de
réserve, en remplacement
du dollar américain, cet évènement serait
extrêmement déterminant pour les
États-Unis parce qu'il signifierait une perte de confiance
généralisée envers
l'économie américaine, et donc, la fin de
leur suprématie économique
et de l'hégémonie politique qu'ils exercent sur le reste
de la planète. En
cas de
dévaluation importante du dollar américain, la
déflation pourrait rapidement
laisser la place à une importante inflation aux
États-Unis, et par effet
d'entrainement, créer des problèmes pour les nombreux pays qui
sont tributaires ou
liés à l'économie américaine. Ce
scénario serait sûrement un des plus
sombres parce qu'il voudrait dire que l'ensemble des gouvernements
auraient
laissé la situation dégénérer au point
d'en perdre le contrôle.
Deuxièmement, ce marché baissier découle de
l'important dérapage du
système financier qui a provoqué une contraction du
crédit, mais aussi des
dépenses réelles des consommateurs et des
entreprises. Chose que plusieurs
croyaient impossible. Pour ces raisons, certaines personnes pensent que
ce ne
sera pas un marché boursier baissier traditionnel qui va
récupérer rapidement
et qui suivra une courbe rapide en V mais qu'il s'agit
plutôt d'un marché
baissier qui suivra une courbe en U avec une lente reprise. Les plus
pessimistes font référence à une
courbe en L qui représenterait
une longue reprise qui serait à la fois très lente et
faible. De plus, ces
différents scénarios n'excluent nullement de nombreux
rebonds techniques des
marchés (courbe en W), puisque tel que mentionné
précédemment, il s'agit d'une situation
inédite, et que les marchés semblent
davantage répondre à une logique de
spéculation plutôt qu'à une logique basée
sur l'analyse de données
fondamentales. Les nouvelles sont tellement mauvaises, que même
l'annonce de mauvaises données économiques ou la
découverte de fraudes démesurées comme celle de
4.82 milliards d'euros de l'opérateur Jérôme
Kerviel à la SGF en 2008 ou celle de 50 milliards US de la chaine de Ponzi de Bernard
Madoff en 2008, qui a été un des présidents du conseil des directeurs du Nasdaq, ne semblent guère plus ébranler ou
émouvoir les marchés. Toutefois, pour certains experts,
en fonction du ratio cours / bénéfices, la
valeur de plusieurs actions est encore surévaluée et
laisse présager que le bas
du marché n'a pas été encore atteint.
Au
niveau économique,
différents scénarios sont possibles. La poursuite de la
crise pourrait être de
type "crise économique de l'Argentine 1998-2002". Dans le
cas de l'Argentine, la crise économique s'est
matérialisée par un
effondrement important et brutal avec
une purge rapide des mauvais actifs et une importante déflation.
Par la suite, une dévaluation forcée de la
devise par
l'abandon du "currency board"
par le gouvernement argentin a
été accompagnée d'une importante inflation.
Finalement, une
certaine stabilisation de l'économie de l'Argentine s'est
effectuée en
plusieurs mois avec une reprise moyenne grâce à la
compétitivité internationale accrue
qu'a procurée une
devise moins forte. À
l'inverse, la poursuite de la crise pourrait être de type
"crise économique du Japon 1990-2002". Dans le cas du
Japon, la crise a pris la forme d'un effondrement
lent et douloureux échelonné
sur plusieurs années avec une longue purge des mauvais
actifs et une longue période de déflation. Cette
dernière a été atténuée par une
politique de bas taux d'intérêt et par l'endettement massif du gouvernement japonais pour
soutenir l'économie. L'endettement du gouvernement du
Japon a atteint l'équivalent d'environ 170% de son
PIB. Finalement,
la reprise de l'économie du Japon a été
supportée par la vigueur du marché de l'exportation,
qui lui
même a été
stimulé par la forte demande extérieure issue de la
croissance rapide de
l'économie de la Chine et de la croissance soutenue du reste de
la planète, et plus tard, par la reprise de la demande
intérieure. Ce n'est qu'au début 2006 que le Japon
aurait réussi à vaincre la déflation. Toutefois,
avec la crise économique mondiale actuelle, l'économie du
Japon qui est fortement exportatrice a encore une fois
un défi difficile à relever. Cependant, aujourd'hui
il n'est pas seul sur la ligne de front a devoir relever ce
défi. Est-ce dire
qu'une crise à la
japonaise serait davantage problématique parce que l'ensemble
des pays sont aux
prises avec une baisse simultanée de leur demande
intérieure et de la demande
extérieure. Effectivement, il est raisonnable de le croire.
D'autant plus que,
pour le moment, les nombreux plans de relance adoptés par
l'ensemble des
gouvernements dans le monde, sans être protectionnistes, visent
principalement
la relance de la demande intérieure. Dans ce contexte,
considérant
l'endettement record des gouvernements à travers le monde, comme
ce fut le cas
pour le Japon, il est pertinent de se demander comment, ou à quel
moment, la
demande extérieure viendra sauver l'économie de chaque
pays en difficulté. Pour
compliquer la situation, depuis 30 ans, les pays riches laissent
s'éroder leur
basse industrielle pour la relocaliser dans les pays
émergents. Aujourd'hui, avec le tarissement du levier
de
l'endettement à outrance, les pays riches n'ont plus
vraiment les moyens
d'acheter plus et les pays émergents n'ont plus assez de demande
pour produire
plus. En contrepartie, considérant que les pays émergents
disposent d'une base
industrielle importante et du désir de partager notre mode de
vie de
surconsommation, est-il souhaitable d'envisager que les pays
émergent prennent
le relais de cette manière et reproduise le modèle
actuel? Est-ce
que collectivement il est judicieux de soutenir le système
économique
actuel au détriment de l'environnement et d'une surexploitation
des ressources? De
même, que penser de la relocalisation alimentaire qui gagne
en popularité
et qui consiste, pour des pays riches, des fonds d'investissement
ou des
fonds souverains, à acheter des terres agricoles partout sur
la planète pour
cultiver et exploiter ces terres à leur profit? Que penser
aussi du
lobbying ou des jeux politiques qui se
déroulent aujourd'hui pour le
contrôle de l'eau demain? Vers quoi se dirige-t-on exactement?
Dépression déflationniste ou
spirale hyper inflationniste?
D'un coté, il est possible
de croire que la surchauffe de l'économie qui a amené le dégonflement
simultané de plusieurs bulles spéculatives dont celle du pétrole, des matières
premières et de l'immobilier, pourrait entrainer une dépression
déflationniste et elle même accentuer une purge des valeurs toxiques et
virtuelles présentes dans l'économie qui, au final, ramènerait l'économie à un
niveau congruent entre sa capacité de production et les valeurs produites
réellement. Cette situation permettrait une reprise de l'économie sur des bases
solides parce qu'elle serait ainsi libérée des excès et des abus qui ont mené à la crise. En raison de
l'absence du levier de l'endettement à outrance, la reprise serait donc plutôt
lente mais soutenue et traduirait certainement de meilleures pratiques de la
gestion du risque, un meilleur contrôle de la spéculation et la création
de véritables richesses durables plus respectueuses de l'environnement. Les
grands gagnants seraient ceux qui ont peu de dettes et qui disposent de liquidités
pour pouvoir acheter à rabais les produits et les services dont ils ont besoin,
mais aussi pour investir dans un marché assaini. Les personnes raisonnables,
mais aussi les pauvres, en seraient les vrais gagnants. D'un autre coté, il est
aussi possible de croire que l'endettement massif et l'augmentation rapide de
la masse monétaire par les différents gouvernements pourraient, au final, se
solder par une formidable inflation désordonnée accompagnée de l'effondrement
de nombreuses devises. Certains même espèrent ce scénario parce qu’il
permettrait de faire fondre les dettes récemment contractées par les différents
gouvernements, mais aussi celles des entreprises et des consommateurs.
Effectivement, si tous les gouvernements s'endettent massivement et simultanément,
au final, ils finiront, par leurs dettes respectives et équivalentes, à
rééquilibrer leurs échanges commerciaux entre eux. Un peu comme si l'excès
collectif de dettes annulerait la dette de chacun. Les grands gagnants seraient
évidemment les plus endettés qui verraient leurs dettes fondre et leurs actifs
exploser, pour ceux qui ont des actifs. Les riches et les preneurs de risque
seraient ceux qui en profiteraient le plus. L'hyper inflation veut dire que
tous les prix augmenteraient beaucoup, mais pas nécessairement les
salaires. Si, en théorie, le dernier scénario est moins probable que le premier,
il serait certainement le pire parce qu'il constituerait une fulgurante
répartition de la pauvreté sur l'ensemble de la population et engendrerait une
crise sociale mondiale encore jamais vue. Face à cette dernière alternative, il
faut rester prudent parce que certaines personnes prédisent que, dans une
première phase de stabilisation de l'économie, c'est la déflation qui va
s'installer et que, lorsque les gouvernements auront perdus le contrôle de
leur endettement et de la masse monétaire qu'ils auront créés
exponentiellement, c'est une inflation rapide qui s'installera.
Cette dernière pourrait même entrainer une nouvelle crise économique
mondiale encore pire. D'autant qu'elle pourrait se matérialiser par
l'effondrement d'économies importantes et inciterait encore plus massivement la
création de bulles spéculatives sauvages sur les produits et les services de
bases en guise de refuge privilégié. Actuellement, les gouvernements exhortent
les citoyens à la sagesse et leur demande de croire que les milliards qui sont
investis, soit à l'heure actuelle près de 10 000 milliards à l'échelle de la
planète, sont nécessaires pour sauver le système et relancer l'économie afin
d'éviter le pire. Le pire mais pour qui? Ils demandent aussi aux
travailleurs d'être raisonnables et d'accepter une baisse de leur salaire et de
leurs conditions, tout comme ils demandent à la population d'accepter les
importantes pertes dans leurs fonds de pensions et de retraites. Pourquoi?
Parce qu'il faut que les pays riches soient plus compétitifs face au pays
émergents. Il faut absolument que la population fasse des concessions pour
que l'économie reprenne et ainsi pouvoir construire un avenir meilleur.
Dans un tel contexte, il est pertinent de se demander ce qui est
vraiment pire entre la déflation ou l'hyper inflation?
La crise est-elle un bon
moment pour initier des changements?
Si la crise n'est pas un bon
moment pour initier des changements, il n'y aura jamais de bon moment pour le
faire. Pour une des rare fois depuis plusieurs décennies, dans le cadre du G20
par exemple, l'ensemble des gouvernements de la planète s'unissent pour
faire front contre un ennemi commun, la crise économique mondiale.
Ils évoquent même l'importance de la lutte à la pauvreté et de la
protection de l'environnement dans les solutions qui doivent être avancées
pour résoudre la crise.
Est-ce suffisant? Sûrement pas. Dans tout les cas, des
changements historiques doivent se produire. Au risque de passer pour un
partisan de la gauche, une partie de la solution passe par une réforme du
système économique actuel qui dépasse largement le modeste remodelage proposé
présentement par les différents gouvernements. Les gouvernements
devraient se mobiliser pour mettre en place les outils nécessaires à
l'autosuffisance alimentaire et énergétique de leur population. La
nationalisation de ces secteurs serait même une option privilégiée à envisager.
Les gouvernements devraient piloter le développement d'énergies
alternatives au pétrole afin d'être moins dépendant de cette énergie fossile
qui s'épuise, mais aussi pour réduire l'impact écologique de son
utilisation. Ils devraient aussi faciliter l'accès au logement et empêcher la
spéculation abusive dans ce secteur essentiel en exerçant un contrôle sur
les prix et en favorisant une planification adéquate de l'offre. De même, ils
devraient intervenir dans les secteurs stratégiques des matières premières, de
l'eau, du transport et des infrastructures pour favoriser une exploitation
écologique et durable. La coopération internationale, dans le cadre de grands
projets d'infrastructures au niveau agroalimentaire, de la gestion de l'eau, du
transport et du développement de nouvelles énergies alternatives pourrait être
un élément clef pour établir de nouvelles bases solides au niveau des
échanges commerciaux internationaux. Dans cet esprit, par exemple,
il devrait paraître normal et non révolutionnaire ou protectionniste qu'un
gouvernement qui disposerait en abondance d'énergies comme l'hydroélectricité
puisse s'approprier et nationaliser la production de véhicules électriques
plutôt que de laisser, comme seule possibilité à sa population, de
devoir importer des véhicules et du pétrole pour assurer ses déplacements. De
même, il devrait sembler inacceptable qu'une entreprise privée achète des
terres dans un pays pour cultiver des denrées ou extraire de l'eau afin de les
revendre avec profit aux habitants de ce même pays, ou pire encore,
de piller ces ressources pour les vendre plus cher à des pays plus riches
qui seraient en mesure de payer. Au niveau individuel, la
surconsommation ou la consommation de produits ou de services ayant une
forte empreinte écologique devraient être réduite au profit d'une consommation
plus raisonnable qui privilégierait les produits ou services ayant la plus
faible empreinte écologique possible.
Patrice Beaudoin MPA, B.a.,
25 mai 2009
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